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Laurent Commaille

Famille de Wendel

La famille de Wendel constitue par elle-même un élément du patrimoine franco-allemand. Selon les écrits de l’historiographe officiel de la Maison, René Sédillot, les de Wendel auraient des origines brugeoises. Jean De Wendel (le « De » est au départ l’article flamand) se fixe à Coblence au début du 17e siècle et entre dans la carrière des armes au service de l’Empire. Son petit-fils Christian servira le duc Charles IV de Lorraine. Il épouse en seconde noce Claire Saurfeld. Par ce mariage commence l’établissement des de Wendel en Lorraine. Ce mariage lui apporte en effet une partie du fief de Longlaville, près de Longwy. Il achète le reste du fief à la famille d’Eltzqui possède les forges d’Ottange. Le second fils de Christian, Jean-Martin, né en 1665, va d’abord s’initier à la métallurgie en dirigeant les forges d’Ottange. Il épouse une fille aisée de Volmerange et, en 1704, achète la forge seigneuriale d’Hayange. En 1727, il fait confirmer sa noblesse, pour lui et ses héritiers, par le duc de Lorraine. Jean-Martin meurt en 1737, laissant une affaire prospère et en plein développement. Son fils aîné, Charles, reprend la forge et épouse en 1739 Marguerite d’Hausen, fille du receveur des finances de Lorraine et riche héritière. Déjà entamée sous Jean-Martin, l’extension du domaine des de Wendel se poursuit activement dans deux directions : contrôler le maximum de surface pour l’approvisionnement en bois, augmenter la production. Cet objectif, compte tenu des limites techniques de l’époque, ne peut guère s’obtenir qu’en multipliant les forges. Charles, aidé de sa belle famille, s’implante dans la Warndt. Bientôt, l’ensemble groupe les deux hauts-fourneaux d’Hayange (plus fonderie, platinerie etc.), les deux hauts-fourneaux de Creutzwald, les forges de Sainte-Fontaine (près de Forbach), la platinerie annexe de Saint-Louis et la forge de Hombourg. Le bois posant problème, Charles passe à la houille qu’il fait venir de la Sarre (Nassau-Sarrebruck). Dès 1768, le bois ne fournit plus que le tiers de l’énergie consommée. Charles meurt en 1784. Tandis que son fils Ignace parcourt les routes à la recherche du perfectionnement des techniques métallurgiques, Marguerite d’Hausen dirige les forges d’Hayange.

La Révolution sera une période très difficile pour les de Wendel. En 1803, François de Wendel, petit-fils de Marguerite, doit racheter Hayange en s’endettant lourdement. En 1811, il prend possession de la forge de Moyeuvre. Suivant l’exemple de son père, il entreprend de perfectionner les procédés de fabrication et fait le voyage d’Angleterre dont il ramène les techniciens nécessaires à ses projets. François meurt en 1825, à l’âge de 47 ans. Sa veuve, Joséphine, dirige l’entreprise en attendant la relève qui viendra avec Charles qui entre en 1828 à Polytechnique. Sa fille aînée a épousé en 1826 l’ingénieur Théodore de Gargan, qui mettra ses talents au service de la Maison. Charles est l’homme qui fera passer les forges de Wendel au stade de la grande entreprise. Signe des temps, elle devient une société dont le capital est partagé entre les membres de la famille. Le Second Empire est une phase décisive du développement industriel en Lorraine. Le chemin de fer désenclave la région, les vieilles forges périssent ; survivent celles qui peuvent tirer parti du rail et qui ont les reins suffisamment solides pour investir. Hayange et Moyeuvre se développent. À la recherche du charbon, Charles lance la Compagnie des Houillères de Stiring. À la frontière de la Sarre, est fondé le complexe sidérurgique de Stiring qui doit travailler par et pour le chemin de fer. Une cité ouvrière est construite ex-nihilo, Stiring-Wendel est faite commune de plein exercice en 1857 (elle est inaugurée par Napoléon III lui-même). Les effectifs sont passés de 325 ouvriers en 1828 à 2000 en 1850 et 7000 en 1869. Les suites de la guerre de 1870 sont difficiles pour les de Wendel. L’entreprise est coupée du marché français et doit se faire une place en Allemagne. D’autre part, la conjoncture est mauvaise, après 1873, et le passage à l’acier difficile à cause des défauts du minerai lorrain. La question nationale se superpose aux problèmes politiques. Comme leurs usines se retrouvent en Allemagne, les de Wendel décident de maintenir une présence en Alsace-Lorraine. Charles étant mort en avril 1870, le 30 décembre 1871 est fondée la société « Les Petits-Fils de François de Wendel », société allemande dont Henri de Wendel, l’aîné, prend la tête et devient, puisqu’il n’a pas opté pour la France, citoyen allemand. Henri deviendra député protestataire au Reichstag après les élections de 1881. La mise au point du procédé Thomas-Gilchrist, permettant de déphosphorer la fonte lorraine, fut le salut de l’entreprise. Les de Wendel l’achètent et en gardent le monopole pour la Lorraine annexée, ce qui n’empêche pas d’autres entreprises sidérurgiques de s’implanter en Lorraine, se cantonnant tout d’abord dans la production de fonte, en attendant qu’il tombe dans le domaine public. Pour garder un pied sur le marché français, les de Wendel, en association avec Schneider, créent la Société de Wendel et Cie. En implantant leur nouveau complexe à Joeuf, à proximité immédiate de Moyeuvre, ils pouvaient se permettre de passer de France en Allemagne, ou l’inverse, sans quitter leur domaine. Les de Wendel participèrent activement aux organisations professionnelles allemandes ou françaises qui concordaient avec leurs intérêts.

La Première Guerre Mondiale posa un problème épineux à une famille dont les usines étaient situées dans deux pays belligérants et ennemis. Du point de vue de leur engagement personnel vis à vis du conflit, les de Wendel, dont aucun n’a, en 1914, la nationalité allemande, s’engagent du côté de la France pour laquelle plusieurs membres de la famille combattront. Leurs biens en Lorraine annexée sont confiés à un fondé de pouvoir allemand, Robert Pastor, qui réussira, jusqu’à la fin, à maintenir la propriété de ses employeurs sur un ensemble industriel qui contribue néanmoins à l’effort de guerre du Reich. Quant aux biens du Bassin de Briey, occupé dès le début du conflit par l’armée allemande, ils sont administrés sous contrôle allemand ; l’usine de Joeuf est en partie démantelée.

Le 20 novembre 1918, les de Wendel sont de retour à Hayange. Si les débuts de l’Entre-deux-guerres sont difficiles avec la remise en marche des installations, le rétablissement des marchés et les soupçons qui pèsent sur leur éventuel manque de patriotisme (Affaire des bombardements – les usines de Wendel auraient été « trop » épargnées par les bombes françaises), les patrons lorrains redressent assez vite la situation (rachat des parts Schneider dans Joeuf, modernisation des installations, investissements multipliés dans d’autres lieux et entreprises...). Les de Wendel font désormais partie du haut patronat français et sont reconnus comme tels : François est président du Comité des Forges et Régent de la Banque de France (jusqu’en 1936). Outre leur présence à de nombreux organismes professionnels et conseils d’administration, ils ajoutent une dimension politique à l’influence de la Maison avec les sièges de député de François (Meurthe-et-Moselle) et Guy (Moselle).

La guerre qui commence en 1939 est à la fois semblable et différente de la précédente pour les usines et mines de Wendel. Placées devant la ligne Maginot, les mines de Petite-Rosselle doivent être abandonnées et noyées. La défaite de 1940 est plus brutale pour l’entreprise et son patrimoine est déchiré entre Röchling et les Hermann-Göring-Werke. L’après Deuxième Guerre Mondiale, avec la nationalisation des charbonnages, la mise en place de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier, la création dela SOLLAC (Société lorraine de laminage continu), voit s’effacer progressivement l’image traditionnelle du patronat wendélien. Les porteurs du nom disparaissent les uns après les autres, la famille concentre son activité sur une holding financière ; c’est une époque et une façon de vivre l’industrie qui s’efface.

Pour en savoir plus

Jeanneney, Jean-Noël, François de Wendel en république, Paris 1976.

Sédillot, René, La maison de Wendel de mil sept cent quatre à nos jours, Paris 1958.

 

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Memotransfront - Stätten grenzüberschreitender Erinnerung Rainer Hudemann unter Mitarbeit von Marcus Hahn, Gerhild Krebs und Johannes Großmann (Hg.): Stätten grenzüberschreitender Erinnerung – Spuren der Vernetzung des Saar-Lor-Lux-Raumes im 19. und 20. Jahrhundert. Lieux de la mémoire transfrontalière – Traces et réseaux dans l’espace Sarre-Lor-Lux aux 19e et 20e siècles, Saarbrücken 2002, 3., technisch überarbeitete Auflage 2009. Publiziert als CD-ROM sowie im Internet unter www.memotransfront.uni-saarland.de.