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Sylvain Schirmann

Les Fortifications de la ligne Maginot en Lorraine

C’est un Lorrain, André Maginot, ministre de la Guerre, qui donne son nom au réseau de fortifications des frontières orientales de la France. Omniprésente en Lorraine, la ligne Maginot, construite à partir des années trente, était à proprement parler révolutionnaire et jouissait d’une réputation d’invulnérabilité. L’enseignement tiré du comportement des forts en 1914–1918 ainsi que l’étude de la ceinture fortifiée par les Allemands autour de Metz après 1870 permirent aux responsables français de rompre avec une tradition de la fortification héritée de Vauban. Les concepteurs du projet se rallièrent alors à l’idée d’un essaimage de blocs fortifiés reliés entre eux par des galeries souterraines. La construction de cette Muraille de France répondait à la nécessité d’assurer la protection des frontières, une nécessité urgente après l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933. Réalisée en deux étapes (1929–1934 ; puis 1935–1938), la ligne comporte 22 gros ouvrages de Wissembourg à Montmédy. Ceux-ci sont protégés par un réseau de petits ouvrages et de casemates. Le déclenchement de l’offensive de mai 1940 met en valeur les forces et les faiblesses du dispositif. Partout où les gros ouvrages sont attaqués, les troupes allemandes essuient des pertes et les forts ne se rendent qu’après l’armistice. Mais la faiblesse réside dans la conception d’un réseau de fortifications qui s’arrête au niveau des Ardennes et permet son contournement. Lorsque les Allemands récupèrent les ouvrages mosellans en 1940, ils esquissent le projet d’un retournement des installations vers l’Ouest (cas du Simserhof et de certains équipements de la région de Bitche). Les pièces dirigées vers l’Ouest servirent dans le secteur de Bitche à la fin de l’année 1944 lors de l’offensive alliée. Mais les troupes américaines obligèrent les Allemands à fuir des ouvrages piégés au moment de leur abandon et restaurés après la guerre. Certains équipements devaient en effet servir, au temps de la guerre froide, d’abri anti-nucléaire. Avec la fondation d’associations de bénévoles (cf. Les Amis du Simserhof) et l’action des autorités militaires, les ouvrages furent progressivement restaurés suscitant un tourisme militaire croissant.

Ouvrage du Fermont (secteur de Longuyon)

Commencé en 1931 et achevé en juin 1935, l’ouvrage, qui abrita quelques 600 hommes, fut violemment attaqué en juin 1940 (les principales offensives ont lieu à partir du 21 juin) par les troupes allemandes. Ces dernières subirent des pertes importantes et durent faire marche arrière. L’ouvrage abrite actuellement un musée, et une association (Association des Amis de l’ouvrage de Fermont et de la Ligne Maginot/Longuyon) continue à entretenir le souvenir.

Ouvrage d’Immerhof (secteur d’Hettange-Grande)

Commencé en mars 1930 et achevé en décembre 1935, le petit ouvrage de l’Immerhof (surnommé le « Tiburce ») présente la particularité d’avoir été construit entièrement à l’air libre. Placé à un endroit stratégique, il devait protéger la trouée d’Hettange. La construction à ciel ouvert renchérit considérablement le coût de l’ouvrage. Attaqué dès le 10 mai 1940, l’ouvrage fut remis le 30 juin 1940 aux Allemands. Intégré dans les postes de commandement de l’OTAN après la seconde guerre mondiale (car l’ouvrage est en excellent état), l’Immerhof fut régulièrement entretenu jusqu’en 1968. Au début des années 1970, on envisagea de s’en servir pour le service national de la Protection Civile. C’est cependant la commune d’Hettange Grande qui s’en porte acquéreur en 1974 et organise depuis les visites.

Les ouvrages de la forêt de Cattenom

La construction des deux ouvrages de la forêt de Cattenom (le bois Karré et Sentzich) fit l’objet d’un débat au sein de la Commission de Défense des Frontières entre le Maréchal Pétain et le Général Guillaumat. Le tracé proposé englobait la forêt de Cattenom et permettait de protéger les installations sidérurgiques. Or le Maréchal Pétain souhaitait un tracé court qui passerait à proximité de Thionville, abandonnant le secteur de Cattenom. C’est une solution de compromis qui fut adoptée, dans la mesure où la ligne Maginot englobe la forêt de Cattenom qu’elle défend faiblement par deux petits ouvrages. Ces deux casemates (Bois Karré et Sentzich) ont été construites entre 1930 et 1935. Elles servirent pendant la Drôle de Guerre comme observatoire des tirs effectués par les ouvrages environnants de la ligne Maginot.

Fort de Guentrange et Zeiterholtz

Le fort de Guentrange a été construit en 1899 par les autorités allemandes sur la rive gauche de la Moselle pour assurer à l’Ouest la défense de Thionville. Cette technique de la fortification allemande marqua fortement les troupes françaises qui prirent possession du fort après l’armistice de 1918. Les militaires français furent en effet très impressionnés par la machinerie électrique, le réseau de transmissions et les galeries de liaison souterraines. Ces éléments se retrouvèrent par la suite dans la ligne Maginot. En 1939, le fort a été intégré dans la ligne Maginot pour participer à la défense de la région thionvilloise.

À Entrange, l’abri du Zeiterholtz a été, quant à lui, construit de 1930 à 1932. Cet abri bétonné de 36 m renfermait le poste de commandement des troupes d’intervalles cantonnées dans les petits ouvrages. Le Blockhaus était complètement autonome, avec son propre groupe électrogène. Les visites sont organisées sous la responsabilité de la mairie d’Entrange.

L’ouvrage du Hackenberg/Veckring

C’est le plus important ouvrage de la ligne Maginot (« le monstre de la ligne Maginot » a-t-on coutume de dire). Le site retenu, à proximité de Veckring, devait permettre de couvrir à la fois l’est (la vallée de la Nied) et l’ouest (vallée de la Moselle). Le projet définitif de mai 1930 prévoit la construction de 19 blocs, l’installation de 18 pièces d’artilleries, avec une tourelle à longue portée (29 km) capable d’atteindre les voies ferrées allemandes.

Les autorités françaises se servirent de l’ouvrage comme d’une vitrine destinée à prouver aux Alliés la solidité du système de défense des frontières. Tour à tour le Hackenberg reçut les visites de Gamelin, du roi d’Angleterre, Georges VI, du sultan du Maroc et de Winston Churchill. Le rôle de l’ouvrage fut réduit au moment des hostilités. Du 22 au 25 juin 1940, la tentative allemande de prise de l’ouvrage échoue. L’ouvrage est réutilisé par les Allemands en novembre 1944 face aux Américains qui doivent réduire à néant le bloc 8 pour pouvoir poursuivre leur offensive. La maison du tourisme militaire à Veckring gère les visites de la fortification.

L’ouvrage du Bambesch/Bambiderstroff

Commencé en 1931, le petit ouvrage du Bambesch est achevé à la fin de l’année 1936. Intégré au secteur fortifié de Faulquemont, l’ouvrage comprend une centaine d’hommes répartis entre trois blocs reliés par des galeries souterraines. Pendant la guerre, à partir du 15 juin 1940, le Bambesch doit couvrir la retraite des troupes d’intervalle qui abandonnent progressivement leurs positions. Pris sous le feu des assauts allemands, les troupes du Bambesch se rendent le 20 juin 1940.

La trouée de la Sarre (autour de Puttelange aux Lacs)

La trouée de la Sarre correspond à une zone comprise entre Faulquemont et la vallée de la Sarre. Protégée en aval par la Sarre (dont le mandat est confié à la France), cette région devait être en cas de conflit rendue impraticable par un système d’inondations. Deux axes d’inondations sont prévus : à l’est, on suit une ligne Herbitzheim–Wittring ; à l’ouest, une ligne de Puttelange à Holving. Le sytème est opérationnel au cours de l’année 1934. Mais le plébiscite sarrois de janvier 1935 fragilise le dispositif français. Il faut dorénavant pour le Général Gamelin fortifier une zone qui constitue une brèche dans le dispositif de la ligne Maginot. De 1935 à 1937, on élève, dans la partie occidentale de la trouée, blockhaus, tourelles et casemates. Après le 14 juin 1940, la trouée est abandonnée et les troupes amorcent un repli en direction du Sud.

L’ouvrage de Fort Casso/Rohrbach-lès-Bitche

Le petit ouvrage de Rohrbach a été conçu plus tardivement, car les études pour sa construction datent de 1934. Réduit pour des raisons budgétaires à ses seuls blocs d’infanterie, l’ouvrage résista en juin 1940 jusqu’à l’armistice. Son nom Fort Casso provient de la présence en son sein du Lieutenant Casso, officier du Génie, qui sera le futur Général des Sapeurs Pompiers de Paris.

L’ouvrage du Simserhof/Bitche

Construit de 1929 à 1933, le Simserhof est l’ouvrage fortifié le plus puissant de la région de Bitche. En Juin 1940, le Simserhof participe à la défense des ouvrages fortifiés de l’ouest du pays de Bitche. Il reste inviolé jusqu’à sa rédition au lendemain de l’armistice. Intégré ensuite dans le dispositif défensif allemand, le Simserhof a eu comme mission de défendre le secteur Pirmasens-Zweibrücken contre une éventuelle attaque partant des Vosges vers l’Allemagne. Cela supposait la transformation de l’ouvrage, notamment des entrées qui font face au Sud dorénavant. Le coût total de la transformation approchera de onze milliards de Reichsmark. Mais les autorités allemandes démontèrent parallèlement une partie de l’armement français pour l’installer sur le Mur de l’Atlantique. En décembre 1944, l’ouvrage servit une dernière fois en temps de guerre. Les Allemands s’accrochent à l’ouvrage pour tenter de stopper les avances des troupes américaines de Patch. L’assaut américain commence le 13 décembre 1944. Les soldats allemands résistent jusqu’au 19 décembre 1944. Ils quittent alors l’ouvrage par les issues de secours encore dégagés pour se replier au delà de l’ancienne frontière. L’ouvrage longtemps aux mains des autorités militaires fut transformé en musée de la fortification. La gestion des visites a été faite par les Amis du Simserhof. Depuis 1996, l’organisation des visites passe par l’office de tourisme de Bitche.

Pour en savoir plus

Hohnadel, Alain/Truttmann, Michel, La Ligne Maginot, Paris 1989.

Mary, Jean-Yves, La Ligne Maginot, ce qu’elle était, ce qu’il en reste, Paris 1980.

Truttmann, Philippe, La Muraille de France ou la Ligne Maginot, Thionville 1985.

Gaber, Stéphane, La Lorraine fortifiée 1870–1940, de Séré de Rivières à Maginot, Nancy 1994.

Wahl, Jean Bernard, Il était une fois la Ligne Maginot : Nord-Lorraine-Alsace. Historique et guide de la célèbre ligne fortifiée, Colmar 1999.

 

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Memotransfront - Stätten grenzüberschreitender Erinnerung Rainer Hudemann unter Mitarbeit von Marcus Hahn, Gerhild Krebs und Johannes Großmann (Hg.): Stätten grenzüberschreitender Erinnerung – Spuren der Vernetzung des Saar-Lor-Lux-Raumes im 19. und 20. Jahrhundert. Lieux de la mémoire transfrontalière – Traces et réseaux dans l’espace Sarre-Lor-Lux aux 19e et 20e siècles, Saarbrücken 2002, 3., technisch überarbeitete Auflage 2009. Publiziert als CD-ROM sowie im Internet unter www.memotransfront.uni-saarland.de.