Memotransfront - Stätten grenzüberschreitender Erinnerung
   
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Laura Tared

Usine d’Uckange

Parc du haut-fourneau U4, Uckange

L’usine d’Uckange a été construite en 1890 au temps de la famille Stumm qui exploitait depuis le 18e siècle de nombreuses forges dans le Hunsrück. Les hauts-fourneaux sont situés à quelques kilomètres au sud de Thionville entre deux affluents de la Moselle : la Fensch au Nord et l’Orne au Sud. L’usine occupe un emplacement délimité à l’Ouest par la voie ferrée et à l’Est par la Moselle. Le personnage clé de la famille Stumm fut Carl-Ferdinand von Stumm-Halberg, député au Reichtag, président de la Chambre de commerce de Sarrebrück, Président de l’Association des industriels allemands du fer et de l’acier (Lorraine, Luxembourg, Sarre). À sa mort, l’entreprise Neunkircher Eisenwerk possédait les hauts-fourneaux, aciéries et laminoirs de Neunkirchen, les hauts-fourneaux d’Uckange, ses propres mines de fer et de charbon. À Neunkirchen, il ne reste plus qu’un haut-fourneau classé. Le reste des installations a été démoli en 1982. À Uckange, le projet de construction d’un musée semble être retenu ce qui deviendra à coup sûr un haut lieu de la mémoire ouvrière et transfrontalière. Stumm avait obtenu en 1865 au Luxembourg, une concession d’Esch. C’est à partir de cette acquisition qu’il put s’étendre en Lorraine. Les étapes furent successivement les mines Witten et Lothringen à Moyeuvre-Grande, Ida à Sainte Marie-aux-Chènes et Charles-Ferdinand à Hettange-Grande. Les hauts-fourneaux d’Uckange furent en fait construits pour permettre l’alimentation en fonte de l’aciérie de Neunkirchen de type Thomas. En décembre 1887, le conseil municipal d’Uckange donne son accord pour l’établissement de cette usine « utile et d’un avantage réel ». Les prix proposés par les frères Stumm sont alléchants et permettront à la commune d’acheter des parcelles à des particuliers tout en empochant les plus-values faramineuses qui serviront à financer l’infrastructure que nécessitera cette industrialisation. En plus des 68 ares vendus dès 1887, les Stumm s’assurent la propriété de nouvelles terres communales, soit 50 ares pour l’établissement des chemins de fer et voies de raccordement des usines à construire et près de 300 ares de terrains à bâtir pour la construction de logements ouvriers. En 1913, à l’apogée de l’usine d’Uckange, le logement ouvrier s’étend jusqu’aux alentours du cimetière, destiné à ceux « Welche die notwendige Andacht zu diesem Orte besitzen ». Avant même la mise en route de l’usine, le futur directeur d’usine (un parent des Stumm) est élu au conseil municipal et nommé au poste de Maire, Herr Rudolf von der Becke.

L’arrivée des Stumm à Uckange inaugurait la mainmise de l’industrie allemande sur la Lorraine. Quatre usines sont construites dans les vallées de la Fensch et de l’Orne autour des établissements de Wendel ; Thyssen à Rombas avec sept hauts-fourneaux, Röchling/Völklingen à Karlshütte (Thionville) avec quatre hauts-fourneaux et quatre autres Germano-Belges à Knutange et Algrange. Les Stumm possédaient déjà les mines de charbon Ida de Ste Marie-aux-Chênes et Charles-Ferdinand à Hettange-Grande. L’essentiel du minerai proviendra des mines de Ste Marie-aux-Chêne par un funiculaire qui sera démonté en 1973.

Fort de ces atouts, l’usine d’Uckange qui produira, en 1913, 261000 tonnes de fonte (soit 7% de la production lorraine de Wendel, 847000 tonnes) emploiera 590 personnes. La main-d’œuvre n’est plus seulement locale. Le recrutement se fait désormais au loin. La colonie italienne compte dès 1906, 300 personnes logées pour la plupart dans l’« Italien-Colonie », l’actuelle cité d’Italie sur la route d’Hayange en contre-bas de l’usine. En 1903, les Italiens sont plus nombreux à Uckange que les Allemands (80 italiens pour 44 allemands). Les arrivées d’italiens ne tariront qu’entre 1915 et 1919 en liaison avec la déclaration de guerre et le retour généralisé d’italiens. La population ouvrière, autochtone ou pas, dépasse toutes les autres catégories professionnelles, et c’est là le signe des progrès de l’industrialisation et incontestablement celui de la réussite fulgurante de l’établissement allemand. Sur 150 Uckangeois, dès 1897, 79 sont ouvriers dans l’usine Stumm (Hüttenarbeiter). Si l’on ajoute les professions qui vivent de produits dérivés de l’usine (cheminots, fondeurs, broyeurs de scories, conducteurs de locomotive, etc...), on atteint le chiffre de 95 personnes. La population totale de la ville double de 1879 (1200 personnes) à 1903 (2400 habitants). De type patriarcal plus que paternaliste, à l’image de l’organisation de Wendel, la gestion Stumm était extrêmement autoritaire. À Neunkirchen, le Baron faisait la chasse à la presse catholique et à la social-démocratie. À Uckange, aucun syndicat n’était toléré.

À la fin de la Première Guerre mondiale, l’usine d’Uckange fut placée sous séquestre. Avec plusieurs mines de fer, elle devient la propriété d’une nouvelle société des Forges et Aciéries de Nord et Lorraine qui dispose d’un important domaine minier. Les exploitations couvrent près de 4000 hectares.

La nouvelle société poursuit la fabrication de la fonte. Néanmoins les liens avec les usines sarroises ne sont pas rompus. Neunkirchen reste même l’un des débouchés de l’usine d’Uckange. Fondamentalement, rien ne fut changé dans l’organisation et l’orientation de l’usine jusqu’au début des années 60.

Les conditions de la sidérurgie lorraine avaient évolué et Uckange entreprit alors de diversifier ses productions. L’usine s’est spécialisée en particulier dans la fabrication des fontes phosphoreuses de moulage type « Longwy », dans des fontes semi-phosphoreuses qualité « Deutsch I » et « Deutsch II » et dans des fontes d’affinage « Thomas ». Cette fonte de moulage d’Uckange a une qualité reconnue en France et à l’étranger. Elle est employée principalement pour la production de moulage ordinaire, pièces de construction creuses et minces où la fluidité est requise plus que la résistance. Le phosphore augmente la fluidité à la coulée, mais diminue la résistance en augmentant la dureté. En définitive, la société des Forges et Aciéries du Nord et de la Lorraine, hormis la spécialisation décrite plus haut, ne changera rien à l’organisation allemande. Elle s’était même modernisée dans la décennie 1920–1930 par la reconstruction de la chaufferie de nouvelles salles de soufflantes et a généralisé l’usage de l’électricité dans la sidérurgie. Durant la Seconde Guerre mondiale, les Stumm avaient repris la direction de l’usine. Une ère nouvelle de prospérité fut celle de la reconstruction. Le grand tournant fut pris en 1965. À la suite d’accords entre les sociétés, une partie des biens de la société des hauts-fourneaux de Saulnes (la production de fonte) fut jointe à ceux de la société des Forges et Aciéries de Nord et Lorraine pour former une nouvelle société, la Société des Hauts-Fourneaux Réunis de Saulnes et Uckange qui atteint la production record d’un million de tonnes cette année. Au nom de la rationalisation, une première restructuration est décidée. On arrête les hauts-fourneaux de Saulnes et leur production fut assurée par l’usine d’Uckange. Seule la fabrication de fonte électrique (fonte Raty) a été maintenue à Saulnes. Une nouvelle restructuration aboutit au regroupement de toutes les usines à fonte de la Lorraine Nord-Uckange-Rombas-Sérémange-Hayange et à la création de l’entreprise Lorfonte. Prise d’assaut par la concurrence du minerai d’outre-mer, de la crise généralisée, de l’abandon de l’usage séculier et général de la fonte, elle ferme à partir des années 80 un à un ses hauts-fourneaux. Le 17 décembre 1991, le Gueulard principal (partie supérieure du haut-fourneau, nom donné également à la sirène d’usine) a soufflé pour la dernière fois, refermant une page entière de l’histoire franco-allemande des patriotes du fer.

Pour en savoir plus

Prints, Adrien, Uckange à travers les ages et ses gens, Section thionvilloise de la société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine n° 28, 1974.

Archives municipales de Thionville, Documents de la société Forges et Aciéries de Nord et Lorraine, 4 BH 3829.

 

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Memotransfront - Stätten grenzüberschreitender Erinnerung Rainer Hudemann unter Mitarbeit von Marcus Hahn, Gerhild Krebs und Johannes Großmann (Hg.): Stätten grenzüberschreitender Erinnerung – Spuren der Vernetzung des Saar-Lor-Lux-Raumes im 19. und 20. Jahrhundert. Lieux de la mémoire transfrontalière – Traces et réseaux dans l’espace Sarre-Lor-Lux aux 19e et 20e siècles, Saarbrücken 2002, 3., technisch überarbeitete Auflage 2009. Publiziert als CD-ROM sowie im Internet unter www.memotransfront.uni-saarland.de.